dimanche 30 janvier 2011

A l'Origine (Xavier Giannoli, 2009)

De toute façon c'est bien fait pour ma gueule... M'enfin, qu'est-ce qui m'a pris de voir un film avec François Cluzet ? J'ai dû avoir le lointain (mais tenace) souvenir de sa prestation de jaloux névrosé dans l'Enfer de Chabrol, ça doit être ça... non pas que j'aie en horreur le brave François, mais on ne peut pas dire qu'il soit le dernier dans le genre acteur-indicatif "film français bon chic bon genre qui va te laisser un arrière-goût d'endive cuite et te faire perdre 90 minutes de ton existence".



Je ne me fatiguerais pas à vous faire une description minutieuse d'A l'Origine (je risquerai de finir comme François, plus las de la vie que le plus las des koalas). Disons simplement pour être le plus fidèle possible à la réalité qu'il s'agit d'un sempiternétunième fantasme auteurisant bien de chez nous sur l'ambiguïté de l'humain, des rapports humains, de ce qui nous lie et nous délie, de nos failles et de nos forces qui peuvent parfois se confondre lorsqu'alors de cet acte absurde et destructeur autant que salvateur jailli la beauté la plus pure... Alors, " héros ou escroc " ? En voilà une question qu'on s'en fout. Les dix premières minutes sont pourtant pas catastrophiques, nous mettant le groin dans le pédiluve de ce quotidien morne et déprimant sans aucune forme de préambule présentatif. Mais ça se gâte très vite, et plus ça avance moins y croit...

 
"J'en ai marre ! J'en ai maaaarre putain ! Bweuheuheuh... j'suis foutu tu comprends ! j'suis allé jusqu'au bout de mon trip, laisse-moi brave ouvrier, laisse-moi m'enfoncer dans les tréfonds boueux du désespoir et de la désespérance... je dois en finir... seule compte la dernière image que l'humanité aura de moi... it doesn't matter if WE ALL DIE..."

"Non, ne dites pas ça Monsieur François ! c'est juste de la terre, ça se lave !"

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Si les seconds rôles sont tous assurés sans les excès de jeu typiquement franchouillards qu'on peut craindre autant qu'espérer (tout le monde incarne parfaitement son personnage, avec une crédibilité et un naturel de chaque instant), on pouffe gras devant la représentation sociale à gros sabots, sorte de parodie d'un mauvais Ken Loach, dans laquelle les cas sociaux, cons et naïfs, mal fringués et fumant du shit devant TF1 (j'exagère un peu, en fait ça ne concerne qu'une très courte scène - mais ô combien tâche), croient à un miracle et se confient tout entiers dans les mains du messie providentiel qui leur délivrera un smic non moins providentiel - un messie qui a pourtant l'air dès le début aussi enthousiaste et pétant d'entrain qu'un suicidaire endeuillé sans domicile fixe venant de subir une quadruple ablation des bourses. Ils auraient mis à la place de François le gars qui a joué Ian Curtis dans Control, ça aurait pas été mieux foiré. L'un de nos prolos-disciples, un peu moins con et naïf que le reste de la meute, va pourtant créer une nuance, résumant finement la pensée hautement philosphique du réal : "au moins on aura vécu quelque chose même si c'est pour de faux" - ou quelque chose dans ce goût là. La maire du village et amante du escroc-héros, en revanche, tombera des nues découvrant la supercherie, aveuglée par son amour sans doute... il faut dire qu'avec un homme aussi lumineux que ce brave François, aussi...

Là où reprendre les faits tels quels (parce que c'est une histoire vraie, j'ai oublié de préciser - comme je vous l'ai dit au début, je l'avais cherché) aurait été bien plus efficace (le mythomane en question a simplement débuté un demi-mètre de chantier et non un pan de route complet - avec une petite dizaine d'ouvriers) ; le réal préfère s'enfoncer dans ce délire mollasson et guère captivant, vu que le chantier en question on voit pas très bien à quoi ça ressemble au final, et comment les gars ils progressent, trop confus, trop flou (ok au début y a de la terre et après on voit du bitume et des beaux lampions, mais ça fait pas tout), à moins que ça ne soit précisément ce qui fait l'originalité du délire, cette course effrénée vers l'inutile, le travail vers le rien... c'est d'un chiant peu commun, de toutes les façons. Ajoutons à ce tiède constat une partition post rock fort soyeuse totalement dans le vent, Depardieu en truand sensé symboliser la culpabilité de notre héros, fantasmé ou réel (façon Clare Quilty du pauvre), arrivant et repartant comme un pet, et vous obtenez une bien beau petit film français à usage unique, finissant à coups de tombereau dans le bon sentiment le plus soluble.
 "oui... et si finalement c'était ça, le but ultime... aller jusqu'au bout même si ça ne rime à rien ! pour la beauté du geste ! car tout à commencé... et tout doit finir... ah, me voilà ragaillardi ! à moi, gloire et postérité !"
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 Emmanuelle Devos, toujours entre grâce naturelle et ragnagna florentin (pas le gâteau, le cours) selon l'angle, est peut-être la seule à donner un semblant d'intérêt, d'étrangeté à ce sémillant naufrage, et j'ai peut-être découvert quelque chose de plus sur son charme nauséabond, sans savoir quoi. Serai-je bientôt en mesure de mettre un mot décisif sur ce "1 quart d'érection 1 quart de répulsion 1 quart de pitié 1 quart d'indifférence" qui la caractérisent plus que toute autre actrice ? Un jour, qui sait - et alors je saurai peut-être ce qui se trame derrière l'ingénieuse ingratitude et le familier inexplicable de ce visage et de cette voix, m'évoquant le tripotage fébrile de la gentille godiche de la classe dans un des placards à balai de la Sorbonne.

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