jeudi 10 mars 2011

Grizzly Man (Werner Herzog, 2005)



Mis de côté depuis mon visionnage du Bad Lieutenant dominé par Nicolas "Caged", et dans ma ligne de mire depuis le robuste Rescue Dawn, Grizzly Man m'a conforté dans l'idée que le vieux Werner vieillit très bien, qu'il reste passionné par ses vieux thèmes métaphysiques, et qu'il montre toujours la nature comme personne, et l'humain idem. Avec une cruauté très karacho, et ce souci permanent du danger. Ceux qui se contrefoutent royalement des ours peuvent foncer sans problème, puisque ça n'est en rien le sujet.

Grizzly Man est un docu-fiction sur un écolo naïf et parano aveuglé par son amour pour les plantigrades, qui a côtoyé de très près les plus dangereux d'entre eux, pendant treize étés, dans la verdoyance verdissime de l'Alaska, jusqu'au jour où l'un d'eux l'a bouffé.

Herzog a rencontré pas mal de monde, les potes, les ex-copines, le papa et la maman, le pilote d'hélico, même le légiste qui a dû examiner les ossements qu'on a ressorti du ventre de l'ours... Il a fait ça bien.

Pépé Werner tente de comprendre l'homme, et jamais la bête, qui n'est à ses yeux que machine. Il s'y fait Maître de Cérémonie de rushes tournés par le héros tragique, laissés en témoignage derrière lui. Il ne se gêne jamais pour modeler le réel à son bon vouloir, because cinéma, et ne se limite pas dans le théâtral, se qui fait aussi tout le sel de son film par rapport à un documentaire lambda. Herzog s'arrange avec l'objectivité quand il faut, en ménageant quelques regards contradictoires, ce qui est toujours bon à prendre, mais reste en même temps dix millions de fois plus subjectif que le serait un boulet comme Yann Arthus.

Beau et hautement impur. Je dois avouer que ce que j'ai préféré, ce sont peut-être - plus que l'attachant et narcissique héros, plus que cette odeur tenace de mascarade et de mythomanie, plus que le délice coupable de sentir le méticuleux travail de manipulation d'un type ayant fait main basse sur le journal intime d'un autre type, avec le minimum syndical de respect - les incursions tantôt glaciales tantôt exaltées du vieux Herzog en voix off, et aussi dans le champ, notamment quand il interview les ex-femmes du regretté en surlignant le pathos au gros feutre... on peut donc lui trouver au moins deux points communs avec Delarue.