samedi 11 août 2012

JAY-Z - The Black Album








En matière de rap juste pour se sentir vrombir à l'intérieur de ses balloches, y a les albums à posséder, et puis y a les autres, ceux qui s'empileront dans des bacs qui ne méritent même pas d'être effleurés par nos doigts experts.

Un bon rappeur qui sait parler à dedans ton slip n'est pas nécessairement obligé d'avoir le charisme le plus original, renversant, sexuel, ou que sais-je. Il peut même très bien ne pas avoir plus de caractère que Lady Gaga. Il n'est pas obligé d'être - excusez moi cousin Ghostface - un MC nec plus soulful aux rêves de cargaisons de poiscaille garnie de schnouf. Trop complexe, même si c'est beau. Ni - sorry monsieur T - un tonton de la vieille école. Trop simple, même si c'est gros. Il faut parfois plonger au plus profond du bac à produits de conso massive pour dégotter de joviales petites grenades. Et comprendre que sous cette face de mérou qu'est Shawn Carter, se cache sans doute bien plus qu'un blaireau aux rêves basiques de booty biatches et de palais immaculés, en réalité un homme d'une certaine tenue, d'un certain standing; une forme de baron mythomane classy, nettement plus attachant que ce boulet vide de sens de Kanye West (et sûrement plus doué de réflexion à en juger les interview que j'ai pu voir du gonze), ce boulet qui lui sert à l'occase de sous-fifre, du reste, sur la présente crêpe... et sûrement plus doué que ce baltringue de Puff Daddy, qui n'a rien réussi de notable à part récupérer Kashmir. N'allons toutefois pas jusqu'à fétichiser à outrance : un seul album suffit, et c'est précisément celui-ci.

En label rouge, j'ai mon Booba, et son 92 izi monnaie éternellement fresh. En ricain estampillé survêt propre et ivresse débile hop-hip, j'avais Ludacris - notamment le truc sur lequel Tom Cruise déhanche son boule à la fin de Tropic Thunder - jusqu'à fricoter avec l'ex-ennemi de Nasir Jones. Reasonnable Doubt, c'était pas mal - du Biggie en moins dodu, un cachet gangster fils à papa, l'écharpe blanche les ongles manucurés etc, mais j'ai toujours eu un faible pour le blockbuster, le truc gros et chromé où tu sens qu'ils ont vraiment mis de la caillasse pour payer... ben plein de trucs qui n'ont au trouducune importance et surtout aucun rapport avec la musique. A part peut être des piles de gamos plus hautes que l'Empire State. Ici le son est exagérément grossit, le matos expensif, comme ce sera de coutume dans la décennie radio. Une palette de prodos allant de RZA à Timbaland, soit du poussiéreux grain wu xian pan aux turbo-injections tout-chrome d'une bugati veyron sortie d'usine. Techno hip-hop meets vieille école, le moment de passage de relais, ce genre de choses..... ça donne un mélange de saveurs mariant le XO aux essences de déo Lacoste. Un truc de salon, et puis aussi un truc de vestiaire, de leader de l'équipe qui se serre de la pom pom girl entre deux casiers avant de rejoindre le club select des bogoss de sa promo, soirées cigares & call girls. Un truc de connard poli. Un truc à polir tes boules pour les faire briller dans la nuit. Une affaire de pur narcissisme, et de classe massivement... objective, avec tout le plat dégoût teinté de fascination horrifiée que nous autres subjectifs savons trouver au terme. Plus succulent sera l'artifice.

En l'état, cet album - au blase noir, comme il le fût chez Damned et la bande de camionneurs à boucs sculptés - est une imparable succession de tubes rebondis, une mécanique trop bien huilée, un hold-up pop quasi-intégral avec, au milieu d'une forêt de couplets sans relief aucun mais-qu'est-ce-qu'on-s'en-branle, quelques lignes d'anthologie prouvant que la stérilité supposée est un des terreaux possibles du génie ("I castor-troy you, change your face or the bullets change all that for you" sur Threat - "I got 99 problems but a bitch ain't one", sur la même - ou encore cette fin où il aligne ses rips aux bros disparus avant de balancer un truc du genre "oh et puis merde, faut que j'aille au golf, et peut être que j'irai boire un petit cappucino aussi"). L'intro est chouquette, mais la chose commence vraiment à partir de l'extrait de Gladiator. Le même que dans je sais plus quel skeud de Satyricon, je crois. Puis ça se met tranquillos en place. Evidemment, les mecs qui sont assez vieux pour avoir découvert le hip-hop à l'époque où c'en était vraiment, supporteront pas longtemps l'étalage de prods ultra brite.




ça cocotte le plastique neuf, ça frétille du boule, ça a la frime chewy, la langue qui claque sur le palais, ça sarcasme vitole au bec, dans son peignoir en velours grenat... ça te rase ton torse mental avec la mousse épaisse de l'arrogance sportive, te jette au cul d'une limo et te fais caresser l'espoir d'être un prince de la sape et du style, de la pécho-attitude... et de tout un tas de trucs qui ont a voir avec les petits plaisirs capitalistes, j'imagine... 

Même pas besoin de flow, avec des pralines de ce gabarit.


vendredi 30 mars 2012

La boîte de chocolats !!!!

Depuis juillet de l'année dernière, j'poste plus sur ce blog. Flemme. Rien à foutre. Ou alors j'ai compris que mon seul avenir textuel était dans le business archivesque du sombrex, à dérouler du hip-hop comme un poinçonneur sans cerveau. C'est justement une de ces chros - et pas la mieux torchée loin s'en faut - qui a aiguillé un lecteur bien spécial vers un des disques de peura les plus membrés de la basse que je connaisse. Moment historique les enfants : Gégé -ui ui je parle bien du VRAI Gégé de Satan Owes Us Carbure, pas la vulgaire copie taiwainaise que j'ai honteusement délivrée à mes heures scélérates - a kiffé une de mes recommandations, et décidé de m'offrir un featuring. Bon, en même temps j'en fais tout un plat, mais c'est un petit peu normal non, d'être polis entre gens bien élevés ?... A la lecture, gredins et vipères.


BIG L - Lifestylez Of Da Poor & Dangerous



Autant le dire de suite : Big L n'a pas un charisme vocal étourdissant. Disons-le, il a la présence d'un second, voire d'un troisième rôle. Et ce n'est pas un mal. Lifestylez est un film, entre noir et docu, qui serait intégralement tourné à hauteur mi-surplombante, toujours légèrement distant, toujours centré sur un second rôle, second couteau, pas trop charismatique, pas trop attachant, pas trop imposant, le perdant parfois de vue en s'attardant en route, le retrouvant qui vit comme devant, sa suante vie de laborieux. Dit comme ça, moi, ça me ferait vachement envie de le voir, le film, si je n'étais déjà en train de l'écouter dès potron-minet. Le susdit terne personnage s'y mélange d'autant mieux à la foule industrieuse des featurings, les autres rôles-passants qui font l'épaisseur de l'histoire ainsi qu'il convient, toujours à cette façon qui a l'humilité du jeu collectif, sans démonstrations individuelles pour trop saillir, il s'y fond dans la touffeur trouble des instrumentaux. Car un bon film, c'est une solide ambiance, par-dessus tout. Et ça, vous pouvez me croire qu'il y en a ici et pas qu'un peu. Tu prends Mobb Deep, tu prends Kill the Vultures, tu prends Cypress Hill : tu ghettoblastes le tout à des endroits stratégiques dans la nuit moite et aigre d'un dédale des rues les plus décrépites de la Nouvelle Orléans ... Eh ! il peut s'y passer ce qu'il veut, ça fait déjà forcément un film. Il a même pas besoin de s'y passer grand chose d'acrobatique, pour que ce soit fascinant, Lifestylez porte bien son nom, c'est le grouillement de vie, tranquille et prédatrice, d'une nuit d'été où s'affairent toutes sortes d'insectes stridulants, chuintants et chafouinants, dans leur environnement naturel, une tiède soupe d'air seulement brassé par les menaçantes flexions des basses, et leur rugueux rentre-dedans. Un peu ! que tu veux le voir - ce film-là, tu veux t'endormir, pesamment, devant...

Gégé

vendredi 22 juillet 2011

Monkey Shines (George A. Romero, 1988)



Romero, s'il a été capable de grandes choses à côté de ses films de macchab', c'est indéniablement vautré en 1988, lorsqu'il voulu mettre sur pied cette histoire de possession amoureuse bien particulière, malgré un boulot incontestable niveau dressage et une première demi-heure d'exposition réussie et touchante. L'aspect thriller n'a pas beaucoup de crédibilité, guère plus que le jeu des seconds rôles qui - en plus de tout un tas d'autres facteurs que je ne prendrai pas la peine d'énumérer - viennent démolir ce qui aurait pu être un excellent huit-clos paranoïaque, si Romero s'était contenté de se concentrer sur la relation entre le singe et son maître au lieu de vouloir greffer du superflu. Que le nom de Savini au générique ne vous trompe pas : aucune trace de gore ici, pas la plus petite goutte, et aucune scène vraiment dérangeante à l'exception des brèves accolades limite sexuelles entre le tétraplégique et son singe, où de l'ultime affrontement. Voulu sérieux et sombre, Monkey Shines est en réalité plus proche du burlesque involontaire, avec des scènes et des répliques théâtrales proprement à se pisser dessus (ou se cacher de honte) au fur et à mesure que le métrage s'enfonce dans le n'importe quoi (notamment celles où Jason Beghe insulte sa mère, surjouée par l'insupportable Joyce Van Patten, une actrice habituée aux séries US des années 70)... Plus il déroule plus le film se révèle très bancal, et inachevé, comme si Romero n'avait pas eu le temps d'aller jusqu'au bout de ses idées (on ressent notamment ça dans le truc de la télékinésie qui fait lorgner le film vers le fantastique, mais inutile au final, où dans le côté un peu "Re-Animator" des séquences de laboratoire avec l'excellent John Pankow en scientifique insomniaque shooté au sironimo), et tape très vite sur le système à force de tourner en rond autour de son gimmick schizo, jusqu'à la nausée. Quelques images marquantes, jusqu'à la fameuse scène de mise à mort du capucin (totalement fendarde), pour une série B mal fagotée au potentiel nanardesque conséquent, achevée menton au sol par un happy end foireux. Gâchis.


In the mood for queud...





dimanche 3 juillet 2011

Altered States (Ken Russell, 1980)



Autre machin culte dont l'aperçu de bribes volées lors d'une diffusion télé m'a beaucoup marqué, Altered States mérite sans doute son statut, malgré son côté bancal et inachevé, son absence de scénario, ses seconds rôles sans épaisseur, ses dialogues scientifiques indigestes et sa deuxième partie aberrante, c'est sans nul doute un des très rares films dont la vision marque, questionne, qu'on soit attiré par le sujet ou non (pour moi c'est un des thèmes les plus casse-gueules du cinéma, Jan Kounen en sait quelque chose). Presque tout l'intérêt d'AS réside évidemment dans les hallucinations, ou plutôt leur interprétation filmique (donc figée) : organiques, puissantes, abruptes, volontiers grotesques et sans équivalent cinématographique (à part peut-être chez Jodorowsky ou dans les séquences les plus barrées du 2001 de Kubrick), notamment la première initiation à la substance chamane lors de la fameuse "fissure dans le vide", d'une telle densité - et beauté - qu'elle mérite plusieurs visions. Il paraît que ça se regarde sous drogue pour faire un effet boeuf, mais ça doit aussi valoir pour un métrage de Coline Serreau ou n'importe quel film, encore qu'il semble peu probable que Justin Broadrick aurait pu tirer la pochette de Streetcleaner d'un Coline Serreau... A part les séquences sous ayahuasca et l'excellence de William Hurt, on notera aussi de sévères déformations physiques type tumeurs mouvantes et phlyctènes géants, très proches de ce qu'a fait Cronenberg dans Scanners la même année. Body horror, qu'ils appelaient ça, un temps.

Le gros problème dans Altered States, car il y en a un et de taille, tient dans sa deuxième moitié : dès l'instant où Ken Russell décide de matérialiser cette chose purement subjective et psychique, en faisant de son héros un primate bondissant et poussant des cris ridicules, c'est la déconfiture, la redescente (sans jeu de mot) au niveau d'un film de loup-garou foireux des années 50, le gâchis d'une idée de départ bandante, heureusement relevé sur la séquence finale avec force flashs de couleurs inversée et hystérie visuelle, mais là il faudra s'accrocher, ou avoir fantasmé sur la pochette du Technique de New Order pour pleinement apprécier, moi ça m'a plongé entre le fou rire et la stupeur, la nausée, pas loin de la terreur sourde. A retenter dans la condition sine qua non éventuellement. Reste à définir laquelle...

mercredi 29 juin 2011

Hideaway (Brett Leonard, 1995)



J'avais été traumatisé, vers 9-10 ans, par un visionnage du début, sur Canal+, lorsque le psychopathe se plante sur un poignard en pleine cérémonie satanique après avoir tué maman et la frangine dans la maison familiale... Je m'étais gravé le titre du film dans un coin de ma caboche, après l'avoir glané sur la programmation du Canal Mag après moult recherches fébriles, et c'est seulement hier que j'ai enfin pu le revoir (j'avais également flashé sur Petits meurtres entre amis la même année je crois). Evidemment à la révision, compte tenu du nom du réalisateur, il apparaît que Hideaway (sorti chez nous sous le titre "Souvenirs de l'Au-delà"), passé sa puissante introduction méritant le souvenir que j'en ai gardé, est un raté, entre nanar et film de commande torché à l'arrache, adaptation plus qu'approximative d'un excellent Dean Koontz (qui tentera par tous les moyens de faire retirer son nom du générique), ornée d'une des cascades de voiture les plus mal gérées de toute l'histoire hollywoodienne et de dialogues à la cohérence douteuse, d'une mise en scène calamiteuse - qu'on pourrait résumer en un code morse qui ferait "un tour en bagnole - une hallucination - un tour en bagnole - une hallucination" - avec toutefois une première moitié généreuse en passages ambiancés karacho, notamment la traque de collégienne en boîte de nuit sur de l'indus avec ambiance bleutée, proche dans l'esprit des (rares) bonnes scènes de Copycat... et puis il y a évidemment la patte cyberspace cheap malsaine de Brett Leonard, responsable du culte et toxique "Cobaye" s'il fallait le rappeler. Imaginez les séquences 3D les plus laides et radioactives du fameux Cobaye, en encore plus malsain : visions de l'Au-delà kaléidoscopiques, flashs pédophiles à la sournoise et final n'importe-quoi inespéré en forme de battle Enfer versus Paradis, j'en suis resté les yeux comme deux ronds de flan, techniquement c'est du très très très lourd, même un gamin qui a été biberonné à  Dragon Ball et Sailor Moon risque sa santé mentale, je préviens... Pour finir, le casting des seconds rôles, à l'exception de Jeremy Sisto, excellent en serial killer narcissique façon Buffalo Bill hétéro, se contente de réciter les répliques molles d'un script honteux en ne prenant même pas la peine d'y croire, la palme étant détenue par Alicia Silverstone (la fille que Sylvester a eu avec Stallone, vous savez) ex-aequo avec l'espèce de sous-flic qu'ils ont collé à l'enquête, les forces de l'ordre se résumant (faute de budget, plaqué dans les FX infographiques ?) à une espèce de copie hongroise de l'Inspecteur Lavardin croisée avec un Columbo discount.



Mais parler de casting sans évoquer l'inénarrable tête d'affiche serait une erreur dramatique. On pourrait en dire long sur Jeff Goldblum dans Hideaway... Pensez surjeu, solitude totale et coolitude absolues, plus loin encore dans le suprême Goldblum que le nerd rock star qui sauva Jurassic Park de la déconfiture (ok, juste après le dino à colerette) ou le nerd juif qui sauva l'humanité dans Independence Day, presque au niveau de Mister Frost (j'attends encore la version DVD de part chez nous), voire ça... Jeff baise comme dans les pubs pour déo, Jeff coupe des légumes dans la cuisine, Jeff s'automutile à la lame de rasoir, Jeff tient un fusil à pompe habillé en pull over col roulé en prenant une mine circonspecte ; bref Jeff se donne par moments tellement à fond qu'il en devient effrayant, même si la plupart du temps il se contente de rouler des yeux et d'y aller du tic nerveux comme s'il était encore Brundle Fly, se demandant constamment qu'est-ce qu'il est venu foutre dans cette galère... mais bravant toutes les étapes du massacre avec une ingéniosité qui laisse coi, assurant presque à lui seul au film l'accès au statut de curiosité. Notez que la bande originale, 90's obligent, s'en sort pas mal : du FLA, du Godflesh ("Nihil", pas de doute le choix aurait pu être pire), du Miranda Sex Garden sauce grunge, du Peace Love & Pitbulls, et certes moins surprenant du Fear Facto et du KMFDM.


dimanche 15 mai 2011

mardi 5 avril 2011

Black Swan (Darren Aronofsky, 2010)



Ici, il y a presque tout pour faire fuir l'homme de goût normalement constitué. Et croyez-le ou non, l'incongrue pseudo-racaille qui fût jadis un De Niro made in taiwan tout à fait convenable chez Kassovitz, reconvertie en sinistre prof de danse à col roulé, n'est pas le plus épais des postillons aronofskiens éclaboussant le plastron de la grâce - disons qu'il participe modestement à un tout de médiocrité affichée...

Comme je l'ai dit ailleurs et pour vous donner un aperçu fidèle de mon ressenti, Black Swan n'est qu'un remake racoleur et gogoth de La Pianiste de Haneke, agrémenté d'une pincée de mauvais Polanski, que ce soit au travers d'hallucinations complètement ratées et indigentes ou de la trame (qui se veut d'après ce que j'ai cru comprendre un crescendo vers la paranoïa), sauvé par ses rares mais efficaces scènes de touche-pipi, et sûrement pas un film glauque ou trouble comme j'ai pu le lire ça et là. A moins que Natalie Portman ne relève à vos yeux du trouble ou que les pubs "try to remember" pour Carte Noire figurent dans votre panthéon du morbide.

Du début à la fin, ce film est à l'image de son actrice principale : navré et navrant, comme ses gamines qui pleurnichent dans les jupes de maman pour avoir leur premier cellulaire, à un âge où le goût d'une bitte relève de l'insoupçonnable. Inutile de se fatiguer les nerfs à gueuler dans pareils cas, père et mère le savent tous deux : une petite gifle sèche et humiliante sur la joue rosie, et il n'y paraîtra plus.

jeudi 10 mars 2011

Grizzly Man (Werner Herzog, 2005)



Mis de côté depuis mon visionnage du Bad Lieutenant dominé par Nicolas "Caged", et dans ma ligne de mire depuis le robuste Rescue Dawn, Grizzly Man m'a conforté dans l'idée que le vieux Werner vieillit très bien, qu'il reste passionné par ses vieux thèmes métaphysiques, et qu'il montre toujours la nature comme personne, et l'humain idem. Avec une cruauté très karacho, et ce souci permanent du danger. Ceux qui se contrefoutent royalement des ours peuvent foncer sans problème, puisque ça n'est en rien le sujet.

Grizzly Man est un docu-fiction sur un écolo naïf et parano aveuglé par son amour pour les plantigrades, qui a côtoyé de très près les plus dangereux d'entre eux, pendant treize étés, dans la verdoyance verdissime de l'Alaska, jusqu'au jour où l'un d'eux l'a bouffé.

Herzog a rencontré pas mal de monde, les potes, les ex-copines, le papa et la maman, le pilote d'hélico, même le légiste qui a dû examiner les ossements qu'on a ressorti du ventre de l'ours... Il a fait ça bien.

Pépé Werner tente de comprendre l'homme, et jamais la bête, qui n'est à ses yeux que machine. Il s'y fait Maître de Cérémonie de rushes tournés par le héros tragique, laissés en témoignage derrière lui. Il ne se gêne jamais pour modeler le réel à son bon vouloir, because cinéma, et ne se limite pas dans le théâtral, se qui fait aussi tout le sel de son film par rapport à un documentaire lambda. Herzog s'arrange avec l'objectivité quand il faut, en ménageant quelques regards contradictoires, ce qui est toujours bon à prendre, mais reste en même temps dix millions de fois plus subjectif que le serait un boulet comme Yann Arthus.

Beau et hautement impur. Je dois avouer que ce que j'ai préféré, ce sont peut-être - plus que l'attachant et narcissique héros, plus que cette odeur tenace de mascarade et de mythomanie, plus que le délice coupable de sentir le méticuleux travail de manipulation d'un type ayant fait main basse sur le journal intime d'un autre type, avec le minimum syndical de respect - les incursions tantôt glaciales tantôt exaltées du vieux Herzog en voix off, et aussi dans le champ, notamment quand il interview les ex-femmes du regretté en surlignant le pathos au gros feutre... on peut donc lui trouver au moins deux points communs avec Delarue.